J'ai reçu le recommandé de mon père aujourd'hui. Sa lettre est arrivée, elle est à la poste. Faut que j'aille la chercher.
Vous connaissez beaucoup de jeunes qui, au lieu d'avoir un repas sympathique avec toute leurs famille, vont chercher une lettre de leur vieux (sûrement pleine d'insultes) sous une pluie battante?
Et non, je n'en rajoute pas! Il fait vraiment un temps de merde ici chez moi. Y'a au moins un quart de l'océan Pacifique qui vient de tomber sur notre gueule.
Repas de famille. T'es à table avec tout tes frères et soeurs. Tes parents. Si la réunion est vraiment complète, t'a tes grands-parents si ils ne sont pas tous mort, tes oncles, tes tantes, tes neveux, tes cousins d'à peu près ton âge.
Et c'est marrant!
Un repas de famille chez moi, c'est quoi? C'est moi, devant la télé, en train de bouffer des morceaux de n'importe quoi parce que j'ai la flemme de faire à manger et que je suis seul chez moi. Non, des fois y'a ma mère et ma soeur qui mangent avec moi.
Pourquoi? Parce que j'ai aucune famille ici.
Quand j'étais au lycée, j'étais en Economique et Social. J'ai appris que la famille était une instance de socialisation très très importante dans ta vie. Avec elle tu apprends des valeurs, qui te permettront de t'insérer par toi même plus tard avec d'autres personnes.
Moi, la mienne est brisée. Eparpillée. La majorité sont presque des inconnus. Mon père est un schizophrène paranoïaque. Il a transmis sa maladie à une de mes soeurs.
Mais quelle famille de merde! On est nul comparé aux familles de mes rares potes. Mes potes s'entendent tous bien avec leur 2 parents. Et même s'ils ne voyent pas le reste de leur famille parce qu'elle est loin, ils restent en contact.
Je sais pas où et quand ça a merdé, mais ça marche pas comme ça chez nous. Ici, on dit pas je t'aime. D'ailleurs, j'ai des frissons juste à l'écrire, je vous jure, c'est dire.
Mais ça aurait pû être pire. Mon père ne nous a pas enfermé dans une chambre avec toutes mes soeurs et ma mère en nous menaçant de tous nous tuer au couteau alors que j'avais que 5 ans. Ah si...
Ok, mais ça aurait pû encore être pire, il aurait pu le faire, et tous nous tuer.
Ou alors il aurait pû nous séquestrer dans une cave comme Natacha Kampusch.
Non, j'étais encore bien placé sur ce point, j'allais à l'école et tout, même si souvent mon père venait devant l'école pour s'en prendre à ma mère en public pour je ne sais quelle raison.
Bon, je vais pas faire une liste des gens que mon père a frappé, ça serait bien trop long. Mais je sais que ma mère, moi, son propre père (mon grand-père) en font partie.
C'est à cause de lui q'uon a déménagé ici près de Marseille. C'est lui qui a influencé le reste de ma vie pour toujours. S'il avait été normal, jamais on aurait eu l'idée de déménager aussi loin. Mais ma mère en pouvait plus de vivre dans la même région que lui, en ayant peur de venir me chercher à l'école à chaque fois alors que j'étais qu'en primaire.
Et là, elle a plutôt bien réussi son coup. Plus de 700 kilomètres nous sépare maintenant. De lui. Du reste de la famille, tous devenus des inconnus.
C'est peut être juste une impression, mais je sais pas qui sera la pour moi le jour où j'irais pas bien. Si un jour je fais une grosse déprime totale, au point de dessiner des symboles sataniques avec mon sang sur les murs de ma chambre en écoutant slipknot, je sais pas qui m'appelera pour me réconforter.
Mais je m'en fous. J'ai pas envie d'attirer l'attention sur moi. De faire parler de moi. Si on connaissait ma vie, on trouverait ça plutôt triste.
De là, j'entends déja les gens dire : " Mais de quoi tu te plains? Y'a des jeunes complètement seuls dans le monde qui n'ont vraiment personne! Y'a des Africains qui tuent pour vivre! Et toi, dans ton petit confort, tu oses dire que tu te sens seul? Espèce de con!"
Mais vous avez entièrement raison! Le problème, c'est que ces gens là je les connais pas. Et j'ai aucun pouvoir d'action sur eux. Je l'ai déja dit dans mes anciens articles, si y'a quelqu'un que je peux aider et qui me fait me sentir vivant, utile, aimé, alors je le fais sans hésiter. Juste pour me dire que j'ai changé la vie de quelqu'un en bien. Ca fait du bien de se dire ça.
Alors je ne fais QUE me demander si c'est pareil en retour. Je cherche pas à avoir la compassion de 300 personnes, je sais que mieux vaut 3 vrais amis que 300 connards qui te le prétendent.
Je cherche juste un appui dans mes fondamentaux. Je me retourne et je regarde derrière moi pour voir combien de personnes me suivent depuis le début. Et peut être que je vois flou, peut être que je suis devenu aveugle par ma connerie, mais je vois pas plus de 10 personnes.
Ca suffit, me dira-t'on. Ca suffit. Ouais. Alors je vais fermer ma gueule. j'ai pas envie d'être le boulet qui freine les autres parce qu'il a besoin de se sentir vivant et aimé et utile.
Et c'est pas le cas, car avouons le, je sers à rien pour l'instant. Je me cache aux yeux des autres dans ma médiocrité et ensuite je me plains parce que j'ai pas d'appuis. Mais j'ai trop honte de révéler aux autres que ma vie est pauvre et dénuée d'intérêt.
Pas envie. Chacun à ses problèmes. Il me reste 5 heures de sommeil. Voila un problème. T'a qu'à aller te coucher au lieu de dire de la merde. Voila une solution!
Je dois passer pour un dépressif, mais non. J'ai juste envie de stopper le temps. Car tout m'échappe. LE temps que j'aurais pu passer avec ma famille comme mes amis m'échappe. Le temps de la complicité manquée m'échappe, et il est déja parti. Trop tard.
Contrôler le temps... Revenir en arrière, prévenir ma mère de quitter ce fou avant qu'il ne commence à lui taper dessus. Passer des bons moments avec le reste de ma famille alors qu'on est encore tous jeunes.
Tout ce qu'ils ont vécu. Tout ce qui a changé. Tout m'échappe. Moi rien a changé. J'ai pas vraiment avancé. Je franchis aucune étape importante de ma vie. Je fais ça peut être involontairement. Et je pourrais le changer en me sortant les doigts du cul.
Mais je sais pas. C'est trop tard pour rattraper le temps perdu, alors il faudrait avancer. J'ai pas envie d'avancer. Justement parce que c'était pendant ce temps perdu que j'ai raté ce qui pouvait être mes meilleurs moments de ma vie, alors que j'étais encore encadré.
Trop tard, ma famille est éparpillée, presque inconnue. Et j'ai du mal à me dire que les meilleurs moments de ma vie sont encore peut être à venir. Ma vie est pour l'instant un échec social. Et bientôt professionnel. Très très bientôt.
Je trouve pourtant que je m'en sors assez bien pour un échec social, quand j'y pense pas.
En écrivant cet article, tout m'est remonté d'un coup. Et la je me sens vraiment perdu. Mais demain j'y penserais plus.
Et je sens que ce soir va marquer le retour de ma période sombre, celle ou j'en ai rien à foutre de tout le monde. Au lieu de prendre le bus demain, je vais m'arrêter à un endroit, rester assis, et penser. Peut être même pleurer, qui sait?
Pour quoi faire je prendrais le bus? Pour faire plaisir à qui? A moi même? Je me fais pas plaisir en allant en cours, en pensant à ce que mon avenir me réserve car en voyant comment il a commencé, j'ai peur de ce qui m'attend encore. Je me fais plus plaisir en parlant sur ce blog. Parce que cette page est la seule à qui j'ai dit tout ça en 18 ans de vie de merde.
Si quelqu'un lis ça jusqu'au bout, et ben qu'il sache qu'il connait plus de choses sur l'intérieur de ma tête que toute ma famille et mes amis réunis. Ca fait quoi de connaître la vie d'un inconnu mieux que sa famille?